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Philodynamie
14 juillet 2023

La NOUVELLE-CALEDONIE 25 ANS APRES L'ACCORD DE NOUMEA : 6) Quelles perspectives institutionnelles ?

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Il y a maintenant dix ans paraissait à la Documentation française un rapport officiel, intitulé « Réflexions sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie », fruit d’un travail d’‘experts’ missionnés en Nouvelle-Calédonie par le Gouvernement à la demande du comité des signataires de l’Accord de Nouméa. Au terme de ce travail, qui s’appuyait sur la participation des représentants des mouvements politiques et institutions publiques calédoniennes ainsi que la consultation de personnes  appartenant à différents secteurs de la société calédoniennes, les auteurs, le conseiller d’Etat Jean Courtial et le professeur de droit Ferdinand Mélin-Soucramanien, signataires du rapport, ont présenté des perspectives d’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie susceptibles d’être proposées au choix des électeurs éligibles à voter lors du scrutin d’autodétermination.

Le débat politique s’étant enlisé depuis lors sur le sujet, les perspectives que ce rapport dessinent restent d’actualité.

Deux d’entre elles consistent, en simplifiant, à s’en tenir à un statut d’autonomie étendue – très étendue pour la seconde - de la Nouvelle-Calédonie.

La première consisterait en une pérennisation du statut actuel qui n’est en l’état que provisoire, le cas échéant modifié à la marge, par exemple par une modification de l’équilibre des compétences entre les provinces d’une part, le congrès et le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie d’autre part, ou encore un transfert supplémentaire de compétences de l’Etat vers le congrès. La seconde impliquerait d’aller aux confins de l’autonomie, sans que ce que la limite soit bien claire sinon que ne resteraient à l’Etat que les pouvoirs régaliens. Il faudrait en tout cas conforter et préciser le statut de la citoyenneté calédonienne, et donc trancher la question du corps électoral propre aux institutions calédoniennes. Dans les deux cas, une révision constitutionnelle s’imposerait.

Les deux autres perspectives sont celles de l’accession à l’indépendance.

La première consisterait en une accession à l’indépendance pure et simple, de la même manière que les colonies d’Afrique ont accédé à l’indépendance, plus récemment Djibouti, les Comores et les Nouvelles-Hébrides. 

La seconde, appelée par les auteurs « indépendance-partenariat », mérite un petit développement. Dans une telle hypothèse, un petit Etat s’associe durablement et étroitement à un Etat plus important sur la scène internationale. Le premier se décharge sur le second de l’exercice de certains de ses pouvoirs d’Etat dans son propre intérêt : le plus souvent en matière de défense (le petit Etat associé n’entretenant pas d’armée), de relations extérieures (le petit Etat associé n’ouvrant qu’un nombre restreint de représentations diplomatiques et consulaires), de monnaie (le petit Etat associé adoptant la monnaie de son partenaire), etc. Le petit Etat associé peut aussi bénéficier de la part de son Etat partenaire d’une assistance administrative et financière.

Mais en tout état de cause, le petit Etat associé est un Etat souverain. Il est le titulaire exclusif de son pouvoir constituant et peut se retirer de l’association si sa population le veut. Il ne consent à son Etat partenaire que des délégations de pouvoirs et non des abandons de pouvoirs. Il s’agit d’un libre choix d’interdépendances.

Ce type de partenariat entre Etats existe déjà sous différentes formes dans le monde : par exemple en Europe entre Monaco et la France ainsi qu’entre le Lichtenstein et la Confédération Helvétique ; dans le Pacifique entre les Etats-Unis et, respectivement, les Iles Marshall, les Etats fédérés de Micronésie et les Palaos ainsi qu’entre la Nouvelle-Zélande et, respectivement, les Iles Cook et Niue.

En matière de nationalité, les Iles Cook et Niue ont choisi de conserver la nationalité néo-zélandaise tout en assurant des droits spécifiques à leurs ressortissants (statut spécifique, droit de circulation, droit d’installation, droits économiques et politiques) tandis que les Etats fédérés de Micronésie, les Iles Marshall et les Palaos ont préféré établir leur propre nationalité tout en conservant un statut privilégié aux Etats-Unis (ils peuvent y travailler et y établir librement leur résidence). Rapporté à la Nouvelle-Calédonie, rien de s’opposerait à ce que tous les calédoniens qui le souhaiteraient puissent conserver la nationalité française…

Tout bien considéré, la différence entre une autonomie étendue et une indépendance assortie d’un partenariat est subtile. Ce que soulignaient les auteurs du rapport mentionné ci-dessus : « Le débat politique, voire le combat, a parfois pu être enfermé dans une logique binaire : pour ou contre l’indépendance. Pourtant, comme toujours lorsqu’il s’agit d’organisations humaines, la réalité est sensiblement plus complexe. L’éventail des solutions revêt davantage la forme d’un nuancier de couleurs plutôt que d’un choix tranché entre noir et blanc ».

Mais ce qui reste de différence étant formée surtout des symboles – le siège à l’ONU, la délivrance de passeport – elle reste clivante. D’autant plus clivante que la méfiance l’emporte dans un climat de surenchères que favorise l’éclatement des camps opposés en fractions politiques nombreuses. Du côté des non-indépendantistes, le changement, a fortiori si le mot d’indépendance est prononcé, apparaît comme un engrenage dangereux ou leur est présenté comme tel ; du côté des indépendantistes, il en est qui ne conçoivent l’indépendance que pure et dure.

Aujourd’hui, l’heure est à la reprise du dialogue puis à retrouver les voies de la négociation en vue d’une sortie de crise consensuelle. Mais peut-être serait-il aussi temps que les représentants politiques cessent de monopoliser le dialogue et que s’invente de nouvelles formes de démocratie participative adaptée, cela va sans dire, à la situation propre de la Nouvelle-Calédonie. En laissant du temps au temps de la décision.   

Lazare Z (Fin)

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  • Un blog qui aborde divers sujets – en vrac : sciences, philosophie, politique, art, société, histoire, etc. - pour s’orienter dans notre monde pressé et compliqué, avec l’intention de conduire la réflexion dans une pratique d’enquête au sens pragmatique, d’appréhender la philosophie comme une activité (d’où l’appellation « Philodynamie »), sans prétention ni esprit de système.
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