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Philodynamie
12 février 2021

LAZARE EN POLITIQUE (6): Vulnérabilités / La crise identitaire

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Dans le message numéro 5 de la présente suite « Lazare en politique », il était question de la déstabilisation de la démocratie libérale provoquée par la stagnation relative de l’économie dans les pays d’élection de ce système politique, surtout en Europe, du creusement des inégalités et du sentiment d’injustice économique. La question était posée in fine de la viabilité de la démocratie libérale lorsque de tels appuis font défaut. Cette question est aussi cruciale qu’elle est complexe. Il faudrait pouvoir faire la part de ce qui revient, dans le malaise que connait ce système politique, à, d’une part, la perte de ses appuis économiques et sociaux et, d’autre part, à des sources distinctes de vulnérabilité, plurielles et diverses, dont l’importance n’est à cet égard pas aisée à apprécier.

 

On peut au moins essayer.

 

De quoi s’agit-il ? Sans prétendre à l’exhaustivité, il en est deux qui ressortent et qui d’ailleurs se conjuguent : la crise identitaire qui agite certaines démocraties libérales, et non des moindres (Etats-Unis, Allemagne, France notamment) et la dénaturation du débat démocratique par l’intrusion fracassante des réseaux sociaux, deux phénomènes qui seront abordés dans le présent message et son suivant. Cela n’épuisera toutefois pas le sujet car il est d’autres vulnérabilités, liées ou non aux précédentes, qui devront aussi être abordées le moment venu.

 

La souveraineté populaire est au cœur de la démocratie, mais qui est le peuple souverain ? Plus exactement, qui en fait partie ? La citoyenneté, comme la nationalité dont elle dérive – même si l’on connait dans l’Union Européenne une citoyenneté européenne, concrétisée dans un passeport, celle-ci dérive de la possession de la nationalité des Etats composant l’Union – implique une fermeture. Un ensemble fermé avec ceux qui sont à l’intérieur, qui participent de la souveraineté, et ceux qui sont à l’extérieur, qui sont exclus de cette participation. Des tensions apparaissent lorsque cet ensemble exclusif est perçu comme hétérogène sur les plans ethnique et culturel et que cette hétérogénéité elle-même est perçue comme anormale, conflictuelle, menaçante. C’est le cas aux Etats-Unis qui n’ont toujours pas fini de digérer leur colonialisme intérieur et qui font face à une puissante poussée d’immigration latino-américaine. C’est aussi le cas, avec des traits communs et d’autres différents, dans des pays d’Europe de l’Ouest soumis à une intense et continue pression migratoire. C’est d’ailleurs moins les immigrés de première génération, dépourvus du droit de citoyenneté, que ceux de deuxième et troisième générations qui ont pu accéder à la nationalité/citoyenneté et sont néanmoins perçus comme illégitimes parce que différents et non « assimilés ». C’est-à-dire comme des corps étrangers sur les plans ethniques et culturels.

 

Les démocraties libérales condamnent officiellement le racisme mais elles ont du mal avec lui, du moins avec le ressenti d’une population qui se voit « de souche » et se sent menacée dans son mode de vie, ses valeurs et dans son monopole d’expression souveraine. L’idée folle de « grand remplacement », de l’éviction d’une population d’origine au profit d’une autre qui viendrait prendre sa place, diffuse. Cette idée, jusque dans ses expressions latentes, s’alimente de l’angoisse démographique – le faible taux de natalité de la population d’origine comparé à l’effet immédiat et surtout différé d’une immigration plus fertile. D’où le succès de polémistes en France surfant sur l’inquiétude suscitée par l’islamisme ou, très explicitement, en Allemagne, du livre de Thilo Sarrazin « L’Allemagne disparaît » dont le sujet est la crainte de voir les allemands de souche devenir minoritaires dans leur pays.

 

Sans même devoir s’étendre sur les effets délétères des attentats terroristes perpétrés par des fanatiques au nom d’un islamisme d’une radicalité extrême, ou du poison qui sourd d’idéologies aux relents fascisants, il faut prêter attention aux polémiques sur fond culturel qu’exsude directement ou indirectement, ouvertement ou insidieusement, la crise identitaire. En témoignent, en France, l’agressivité que l’interminable débat sur la laïcité a pris ainsi que les polémiques sur le « pluriculturalisme ». Sans doute le débat, même agressif, la polémique, même virulente, ont-ils leur place en démocratie. On a connu dans l’histoire des périodes fort agitées sur ce plan. Ce qui rend la crise identitaire plus dangereuse à cet égard, c’est, avec un attachement à un conception mono-ethnique et mono-culturelle de la population, qui peut aller jusqu’à de la haine, le maniement de l’exclusion de l’autre, du « séparatiste », de l’inassimilé, en un mot de l’étranger, serait-il juridiquement un (mauvais) citoyen.

 

Un tel creusement de(s/la) fracture(s) au sein de la population concourt, même si ce n’est pas son seul ingrédient, à la tentation forte qu’exerce la rhétorique xénophobe des populistes, prompts à vendre des solutions simples et radicales prospérant sur la culture de la polarisation sociale. Il faudra y revenir très prochainement, en prenant son temps car le sujet est important pour l’avenir de la démocratie libérale.

 

(Lazare Z / A SUIVRE)

 

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