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Philodynamie
15 septembre 2020

EN RETRAIT(E) : 4) VIEILLIR

 

« Moi qui n’ai jamais pu me faire à mon visage

Que m’importe traîner dans la clarté des cieux

Les coutures les traits et les taches de l’âge

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Mais lire les journaux demande d’autres yeux

Comment courir avec ce cœur qui bat trop vite

Que s’est-il donc passé La vie et je suis vieux »

 

(Louis Aragon, « Le Vieil Homme » dans le Roman Inachevé)

 

 

Vieillir est une fatalité avec laquelle on n’est spontanément pas très à l’aise. Qu’est-ce que vieillir ? A partir de quand vieillit-on ?

 

Selon les représentations communes, la vieillesse constituerait la dernière étape d’une vie, après l’enfance et la jeunesse, puis l’âge mûr. Le 3ème âge dit-on, commençant vers 65 ans, ou plutôt disait-on. On préfère en effet aujourd’hui parler de « seniors », de séniorité, repoussant la vieillesse au 4ème âge, au grand âge, à la dépendance. 80 ans, voire au-delà, au vu de personnes très âgées paraissant encore pleine d’énergie et de vivacité d’esprit. Qui a vu sur scène ou à la télévision un Hugues Auffray nonagénaire en perd ses repères. Et Pierre Soulages que l’on a dit toujours artiste actif à cent ans ! Et Michel Serres qui a publié jusqu’à sa mort vers 90 ans ! Quant à Edgar Morin, François Cheng et l’historienne Michelle Perrot qui publient toujours, et Mick Jagger et Paul McCartney, et l’acteur Pierre Richard ou encore Clint Eastwood, pour ne citer que des noms très connus, tous nés durant la première moitié du XXème siècle, sont-ils à ranger dans une catégorie indifférenciée des « vieux » ? Ils ont l’âge d’être vieux mais pas l’état d’esprit.

 

C’est que les représentations statistiques, sociales ou institutionnelles, évoluant avec l’augmentation de l’espérance de vie, et donc contingentes, de la vieillesse, n’ont en réalité pas grand sens.  Le « vieillir » est une transformation continue, au début asymptomatique, qui s’opère de la naissance à la mort. La vie n’étant que l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort, le vieillissement ne serait lui-même que l’affaiblissement progressif de cette capacité de résistance.

 

Certes, la transformation d’abord silencieuse se fait ensuite plus loquace, plus ou moins et plus ou moins tôt ou tard selon les personnes - on n’a pas tous les mêmes cartes et on ne joue pas de la même façon celles que l’on a - au fur et à mesure que passe le temps. La dynamique de vie est peu réjouissante à la vue panoramique, rétrospective puis prospective, des personnes d’un certain âge comme l’on dit pudiquement : d’abord une pente ascendante jusqu’à l’arête du toit vers 40 ou 45 ans, ensuite l’autre versant en pente descendante. On peut aussi se rassurer, ou s’illusionner, en repoussant les représentations convenues dont on vient de voir qu’elles sont à tout le moins bousculées par des « vieux » illustres, toujours pétillants et même créatifs. Il y a bien des façons de vieillir.

 

Il en est, beaucoup, qui se résignent. La résignation n’est pas toujours visible. Elle peut se cacher derrière le voile d’une illusion de dynamisme entretenue par un pseudo-investissement dans des occupations de « seniors » que proposent associations, voyagistes – ah les belles croisières sur d’immenses bateaux qui déversaient leurs troupeaux de seniors, avant que la covid-19 n’y porte un terrible coup d’arrêt,  sur les quais de villes qu’il faut voir et où se trouvent des musées qu’il faut « faire » ! – sans oublier nos chères petites familles avec des petits enfants bien sûr, covid-19 permettant bien sûr. Ce n’est pas condamnable et ce peut (pouvait ?) être un antidote à la solitude et un dérivatif à la télévision, mais faut-il, peut-on se satisfaire d’une forme de repli sur un conformisme d’adhésion – au sens figuré comme, presque, au sens propre du mot « adhésion » - aux stéréotypes de l’âge avancé, de s’abandonner à une paresse bien douce au demeurant ?

 

Question personnelle, de tempérament, peut-être de moyens, dira-t-on. Admettons, mais il y a d’autres façons d’envisager et de tirer parti les potentialités de la retraite. Et même du vieillissement. Tout d’abord, résister. Resister ! Faire en sorte, en se forçant s’il le faut, de maintenir, avec constance et obstination, sans fausse excuse, son corps en aussi bonne condition que possible. Le déclin est inéluctable. Soit, alors pesons sur son cours. Et ce qui vaut pour les muscles, les tendons et le squelette vaut a fortiori pour le cerveau. Tirer parti de la liberté, des loisirs que nous offre le temps de retraite. Tirer aussi part de l’expérience accumulée au cours d’une longue vie passée pour repenser sa vie, la réorienter, rester disponible, curieux et créatif. En profiter, lucidement, jusqu’au bout.

Lazare Z

(A SUIVRE...)

 

 

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